vendredi 30 décembre 2011

[Traduction] Le mythe de la vache sacrée indienne et de l'exploitation respectueuse.

(Traduction de l'article de Corey Wrenn, "The myth of India's sacred cow and reverent exploitation")

  
L'Inde est souvent citée comme un lieu d'harmonie et de respect entre les animaux humains et nonhumains. La vache étant considérée comme sacrée par les hindous, beaucoup en Inde renoncent à manger du bœuf et tirent une inspiration religieuse de la vache. Faire du mal ou tuer une vache peut même entraîner l'emprisonnement ou d'autres actions punitives. Malheureusement, le rôle plus précis que joue la vache dans la culture indienne remet en question cette notion de coexistence respectueuse.

La réalité est que les vaches indiennes restent des propriétés, et donc, leurs intérêts sont invariablement secondaires à ceux des animaux humains, peu importe leur frivolité. Vu l'augmentation exponentielle de la consommation de produits d'animaux nonhumains du à l'occidentalisation, l'exploitation de la vache indienne augmente également alors que les protections traditionnelles pour la vache s'effritent.

Viande.

L'abattage du bétail est en réalité légal dans beaucoup d'états indiens. Au pays de la vache sacrée, au moins 14 millions de tête de bétail ont été abattues pour la viande en 2004. Tous ces animaux abattus pour la viande sont des animaux laitiers et utilisés pour le travail, fatigués ou leur progéniture. Qui plus est, au fur et à mesure que le régime alimentaire occidental se normalise et est subsidié en Inde, la consommation de chair de vache devient de moins en moins taboue.

Produits laitiers.

L'élevage industriel devient la norme en Inde pour répondre à la demande croissante créée par une population grandissante et par l'évolution du goût et des marchés de la globalisation. Cela signifie que de plus en plus d'animaux nonhumains sont élevés et exploités en tant que ressources. Les vaches indiennes utilisées pour les produits laitiers souffrent de façon très similaire par rapport à celles utilisées en occident. Les vaches indiennes doivent endurer les maladies, les infections, les injections hormonales, la production excessive de lait, la séparation immédiate avec leur progéniture, l'insémination artificielle et de multiples grossesses. Les veaux sont séparés de leurs mères et se voient refuser le lait maternel. Les veaux mâles sont souvent laissés à l'agonie avec leur pattes et leurs bouches entravées pour prévenir leur échappée ou qu'ils pleurent ce qui distrairait leurs mères travailleuses. D'autres sont simplement attachés, ce qui mène souvent à l'étranglement lorsque les bébés s'emmêlent en s'efforçant de rejoindre leurs mères. Beaucoup de veaux sont laissés à l'abandon ou sont utilisés pour leur peau et leur viande. Malheureusement, la forte signification religieuse du lait de vache et l'aggravation occidentale de la demande en lait pourraient aggraver les efforts pour contester la dépendance humaine aux produits d'animaux nonhumains.

Cuir.

L'Inde est un des plus grands producteurs de cuir au monde. Le traitement du bétail indien utilisé pour le cuir a été fortement documenté et publié par PETA. Le bétail est souvent délibérément blessé ou empoisonné vu que le bétail sain n'est pas légalement éligible pour l'abattage. Le transport vers l'abattoir implique des marches exténuantes et un transport exigu en véhicule dans des chaleurs épouvantables sans nourriture ou eau. Les vaches sont forcées à obéir à l'aide de bâtons, fouets, en leur brisant la queue, et en frottant des piments sur leurs yeux. A la fin du voyage, le bétail est abattu à la vue de tous les autres.

Errants.

Le bétail errant est souvent laissé à l'abandon dans les rues et taudis de grandes villes. Le bétail en liberté sont soumis à des blessures par automobiles, à la malnutrition, et à l'absence de soins vétérinaires. De plus en plus, ces animaux sont considérés comme une nuisance et rassemblés pour être éliminés.

Le mythe de l'utilisation respectueuse

L'image de la vache sacrée indienne est exemplaire de la relation idéalisée entre les animaux humains et nonhumains qui perpétuent la fantaisie que les animaux nonhumains apprécient en quelque sorte leur exploitation ou en tirent du bénéfice. En réalité, les vaches indiennes (et autres animaux nonhumains supposés "respectés" ou "révérés" par les humains dans toutes les cultures) restent des propriétés et sont de plus en plus traitées comme de simples ressources. Qui plus est, le petit traitement préférentiel qui est attribué à la vache n'est pas fourni aux autres espèces. L'Inde a des problèmes critiques de surpopulation d'animaux de compagnie, d'extinction de la faune, d'animaux nonhumains utilisés pour le tourisme, le divertissement, et une consommation mendiée et grandissante d'autres animaux nonhumains et de leurs produits. La globalisation continue à remettre en cause la culture indienne, désintégrant les traditions religieuses et autres styles de vie qui ont le potentiel de respecter les animaux nonhumains en tant que personnes. Vu ces difficultés, nous devons être particulièrement attentifs aux normes occidentales envahissantes de domination et d'exploitation et méfiants vis-à-vis des notions imaginaires de l'animal nonhumain joyeusement exploité, traité respectueusement ou utilisé humainement. 

Au lieu de glorifier des exemples fautifs comme la vache indienne, qui ne servent qu'à masquer et perpétuer l'exploitation, nous devrions au lieu de ça promouvoir le véganisme. Le véganisme respecte les animaux nonhumains comme des personnes et refuse leur exploitation peu importe l'endroit, la religion, la culture ou l'espèce. Et, la compassion et la justice, partie intégrante du véganisme, ne sont pas un mythe.
 
Corey Wrenn 

[Traduction] Chère Hermione

(Traduction de l'article de Maya Shlayen, "Dear Hermione")


Chère Hermione,


En tant que fans de longue date, nous voudrions te remercier pour ta participation dans le combat contre le Seigneur Voldemort, et, partant de là, pour ton combat contre le paradigme ‘force fait loi’ qu’il représentait. Ta position ferme et implacable en faveur de la justice sociale nous a amenés (moldus) à examiner les allées et venues de notre propre monde. En tant que fans de ta personnalité et encore plus grands fans de la justice sociale en général, cependant, nous souhaiterions attirer ton attention sur ce qui, nous estimons, a été un angle mort récurrent tout au long de ta vie jusqu’à maintenant : ton inconsistance dans ton opposition contre l’exploitation injuste.


Avec l’apparition de Dobby durant ta deuxième année à Poudlard, nous faisons la connaissance des ‘elfes de maison’ : elfes domestiqués que les magiciens (humains) exploitent comme serviteurs obligés. Dans la mesure où les elfes de maison sont forcés de faire un travail pour lequel ils ne reçoivent pas de compensation, ils sont, en réalité, des esclaves. Privés de toute puissance (ils ne peuvent pas être des ‘porteurs de baguette’, par exemple), la domestication et l’exploitation ultérieure des elfes sont si profondément enracinés dans le monde des sorciers que tant les magiciens que les elfes prennent ça pour acquis, comme l’ordre ‘naturel’ des choses. Des siècles (si pas des millénaires) de servitude et d’esclavagisme ont engendré la dépendance des elfes de maison. En effet, le bon elfe de maison est si docile et asservi qu’il fera tout ce que son maitre lui demande – peu importe si ça fait du mal à l’elfe.


Pourtant, même si toi et Dumbledore (parmi d’autres) reconnaissez cette injustice qu’est l’esclavagisme des elfes, vous ne voyez pas votre propre complicité dans l’exploitation des nonhumains ailleurs : avec Dumbledore, toi et d’autres magiciens et magiciennes bien intentionnés portez de la laine qui provient de l’exploitation de moutons. C'est-à-dire, le mouton domestique est un animal qui, suite à une reproduction sélective, est devenu complètement dépendant du contrôle humain pour sa survie. Comme tous les nonhumains domestiqués, le mouton a évolué, au fil de millénaires de soumission humaine, pour être tellement à notre merci qu’il n’est plus capable de vivre indépendamment dans la nature. Et comme les magiciens, qui tirent un avantage de la docilité des elfes de maison afin d’exploiter ce groupe en question, nous tous (magiciens tout comme moldus) tirons un avantage d’animaux domestiqués (dont le mouton) dans le but de les exploiter pour nos fins – même lorsque c’est préjudiciable pour eux que nous le fassions.


Les humains ont élevés les moutons pour qu’ils aient une peau anormalement ridée et de là ont des quantités excessives de laine sur leur corps, créant un ‘besoin’ artificiel de les tondre – une action qui en soi est souvent stressante et traumatique pour les animaux. Mais du fait qu’ils soient si vulnérables et dépendants de nous, les animaux domestiques, comme les elfes de maison, n’ont pas d’autre choix que d’endurer toutes les utilisations qu’on fait d’eux. Il y a quelque chose d’étrange lorsque Dumbledore dit à Harry (à la fin de ta cinquième année à Poudlard) que les elfes de maison méritent plus de respect (par ex, que nous ne devrions pas nous attaquer aux vulnérables simplement parce que nous le pouvons) alors que lui-même porte un pull de laine en hiver. 


L’une des caractéristiques déterminantes de l’esclavagisme à travers les âges a été le traitement des esclaves exclusivement comme moyens pour les fins de quelqu’un d’autre, la vie et le bien-être de l’esclave n’ayant aucune valeur intrinsèque – un point qui te fut illustré plutôt artistiquement juste avant ta cinquième année, sur l’affichage mural de têtes tranchées d’elfes à la retraite dans la maison de Black. Cruel qu’il puisse être sans aucun doute de retirer la vie d’un être sentient, à quoi bon garder en vie un esclave qui n’est plus utile ? La propriété, après tout, est ce qui n’a de valeur externe ou extrinsèque. Pourtant, cette réalité ne semble pas te perturber plus que ça, puisque, pendant que tu prêches au sujet des droits des elfes lors du déjeuner à Poudlard, tu ne daignes avoir une pensée pour les vaches laitières dont l’exploitation a permis de fournir le beurre que tu étends sur ta tartine !


Bien sûr, comme tous les mammifères, les vaches laitières doivent donner la vie pour donner du lait – un fait dont les fermiers laitiers profitent en inséminant artificiellement leurs vaches annuellement. Lorsque les veaux sont nés, ils sont rapidement enlevés à leur mère (une action qui résulte en stress inimaginable et en traumatisme pour la mère et le veau), et le lait qui était destiné à la base pour eux est volé à la place par les humains. Ses filles  la remplaceront comme machines à lait, et ses fils (puisqu’ils ne peuvent ni donner du lait ni produire de descendance) seront envoyés prématurément à l’abattoir, où ils seront ‘préparés’ en viande de veau. Après des cycles répétés de mise enceinte traumatisante, de lactation forcée et de deuil, la mère ‘utilisée’ sera également envoyée à l’abattoir. La vie et le bien-être des vaches laitières, alors, comme celle de l’elfe de maison, n’a pas de valeur intrinsèque et n’est pas prise en considération au-delà de son utilité comme machine à lait, même si un tel traitement la prive invariablement de sa liberté, de son confort, et de son autonomie qu’elle désire tellement, comme tous les êtres sentients. Encore une fois, l’injustice de traiter un ‘autre’ sentient comme notre propriété est claire. Quelle ironie, alors, quand en dénonçant l’esclavagisme des elfes, tu sembles passer à côté de ce lien crucial et ne renonce pas également à l’exploitation de tous les nonhumains sentients !


En plus des similitudes économiques et légales communes à toutes les institutions injustes, l’esclavagisme des elfes et l’exploitation animale partagent pourtant encore une caractéristique : la psychologie sociale sous laquelle elles sont toutes les deux perpétuées. Les elfes de maison, après des siècles (millénaires ?) de servitude et de lavage de cerveau, ont perdu tout semblant d’indépendance et de désir d’autonomie, prenant pour acquis leur statut de propriété comme ‘normal’ et même désirable. Les magiciens et magiciennes, qui bénéficient d’une telle discrimination, pointent souvent le contentement des elfes comme ‘preuve’ que de telles pratiques ne sont pas injustes. Comment pourrait-ce être de l’esclavagisme’ lorsque les elfes eux-mêmes apprécient cela ?


Il est intéressant de noter que lorsque Ron fait cette même observation lors de ta quatrième année, tu répliques immédiatement, « c’est parce qu’ils sont incultes et endoctrinés ! » En d’autres mots, tu peux voir que l’oppression des elfes est bien plus compliquée que de simplement déterminer si ils sont ‘heureux’ ou non ou complices de leur exploitation.


Les dix dernières années ont connu la croissance du mouvement de l’exploitation animale ‘humaine’ : œufs plein-air, lait bio, et autres labels ‘bien-être’. Outre le fait que ces mots sont des schémas de marketing qui ne se traduisent pas en meilleures normes de bien-être pour les animaux, la réalité est que même s’il était possible d’exploiter les animaux ‘humainement’, ça ne résoudrait pas la question de base de quelle justification avons-nous pour les utiliser comme moyens pour nos fins en premier lieu ? Comme la complicité des elfes de maison dans leur propre esclavagisme, l’exploitation animale ‘humaine’ omet de prendre en considération la soumission et la violence sur laquelle se base notre relation entière avec les nonhumains domestiques en premier lieu. Que ça soit la complicité des elfes de maison dans leur propre esclavagisme, l’exploitation ‘humaine’ des nonhumains domestiques, le ‘choix’ des travailleurs dans une société capitaliste à peiner dans des conditions industrielles démoralisantes, ou toute autre institution injuste à propos de laquelle nous nous mentons à nous-mêmes, de tels systèmes ignorent les inégalités structurelles qui rendent le ‘choix’ et l’exploitation humaine’ sans aucun sens. La véritable justice, alors, ne vient pas en plaçant un autocollant souriant sur l’exploitation, mais en démontant les structures hiérarchiques sous-jacentes qui créent et perpétuent l’injustice en premier lieu.


Bien que tes premiers efforts pour attirer l’attention sur le calvaire des elfes de maison soient accueillis en ridicule, au moins certains magiciens et magiciennes reconnaissent que quelque chose est fondamentalement malsain par rapport au paradigme entier des ‘elfes comme propriétés’. Ceux qui se sont rangés du côté de Dumbledore (et de Harry) dans le combat contre le Seigneur Voldemort reconnaissent que le paradigme hiérarchique entier du magicien sur le moldu, de l’homme sur la créature était fondamentalement injuste.
De même, nous tous (magiciens, magiciennes ou moldus) sommes d’accord qu’il est malsain d’infliger des souffrances ‘inutiles’ aux animaux. Et pourtant notre utilisation la plus significative numériquement (par ex pour la nourriture) ne peut être considérée comme ‘nécessaire’ selon toute définition cohérente de ce mot. L’association américaine des diététiciens (l’une des plus grandes organisations scientifiques en matière de nutrition au monde) déclare :


"La  position  de  l’Association  américaine   de   diététique   est   que   les  alimentations    végétariennes    bien conçues  (y  compris  végétaliennes) sont bonnes pour la santé, adéquates sur  le  plan  nutritionnel  et  peuvent être bénéfiques pour la prévention et le traitement de certaines maladies. Les    alimentations    végétariennes bien conçues sont appropriées à tous les âges de la vie, y compris pendant la  grossesse,  l’allaitement,  la  petite enfance,  l’enfance  et  l’adolescence, ainsi que pour les sportifs."


La meilleure justification que nous avons pour infliger souffrance et mort à des milliards de nonhumains sentients est qu’ils ont bon gout, et que c’est pratique et habituel pour nous de le faire. Il n’y a aucune nécessité impliquée. Comme les magiciens bien-intentionnés qui maintiennent que les elfes de maison ‘apprécient’ d’être asservis, nous n’arrivons pas à appliquer nos propres convictions morales à leurs conclusions logiques : nous continuons à manger, porter et utiliser des nonhumains quand ce n’est pas nécessaire pour nous de le faire, et nous nous racontons toutes sortes d’histoire pour nous convaincre que c’est soi-disant correct.


En tant que vos fans dévoués, et sincères demandeurs de justice sociale et de non-violence, nous aimerions faire une proposition : nous demandons que tu considères de devenir vegan. Le véganisme signifie qu’on ne mange plus, ne portons plus, ou d’une autre manière n’exploitons plus les animaux nonhumains pour nos bénéfices humains. Plus qu’une question de régime alimentaire ou de style de vie, le véganisme est un rejet de principe du statut de propriété des animaux nonhumains – une forme vivante de protestation contre la violence massive commise contre les plus vulnérables d’entre nous. Etre vegan est incroyablement facile, et la norme minimale de décence que nous devons aux nonhumains en regard de notre estimation qu’il est immoral de leur infliger souffrance et mort inutile.


Vivre sa vie en tant que vegan et s’engager dans l’abolition de l’exploitation animale n’est ni misanthrope ou myope. Le spécisme (discrimination basée sur l’espèce) est inextricablement lié à nombre d’autres formes de violence, et comme l’exploitation des elfes de maison, l’exploitation des nonhumains est en soi un symptôme d’un monde hiérarchique dans lequel l’injustice prendre une myriade de formes. Aussi longtemps que nous massacrerons des milliards d’êtres sans défense simplement parce que nous le pouvons, nous ne traiterons pas mieux nos frères humains, et tout discours de ‘justice’ ou de ‘paix mondiale’ restera juste cela  -- des mots vides au vent.


Aussi intelligente et bien-intentionnée que tu ne puisses l'être sans aucun doute, tu sembles toi aussi être victime de la pensée confuse et embrouillée qui arrive souvent lorsque l’on vit dans un monde violent. Peut-être, si tu avais pris du recul et fait plus attention au problème, tu aurais fait le lien : si il est immoral que les magiciens exploitent des nonhumains magiques, alors il est immoral pour chacun de nous (moldus et magiciens compris) de domestiquer et exploiter des nonhumains sentients de manière générale.


Nous espérons que cette lettre te parvienne en bonne santé, et que nous t’avons stimulé à réfléchir de manière critique à une sérieuse question de justice sociale. Nous t’invitons à nous rendre visite en ligne pour en apprendre plus :




          Sincèrement,


Le mouvement abolitionniste des droits des animaux

Maya Shlayen

jeudi 29 décembre 2011

[Traduction] Est-ce que le véganisme est un choix ?

(Traduction de l'article de Rob Johnson, "Is veganism a choice?")

 

Il y a deux sortes de choix libres dans la vie:
(a)    Les choix où vous pouvez exercer vos libertés de base sans aucun aspect d’obligation dans les deux cas (comme décider si vous mangerez à l’extérieur, ou à la maison ce soir).
(b)   Les choix où vous avez autant de liberté de choisir que dans le cas (a), mais où il y a une obligation morale de ne pas opter pour l’un des choix. Donc nous avons la liberté de faire un choix, mais nous choisissons de ne pas le faire car nous verrions ça comme moralement odieux.
Beaucoup voient le véganisme comme une question de choix (a). Il n’y a aucune obligation légale pour nous dans les deux cas, et ‘l’option non-végane’ est largement disponible dans la plupart des domaines de la vie. Par conséquent, au mieux, les gens relient le véganisme à une question de préférence personnelle – un choix.
Aussi courante que soit cette pensée, c’est une erreur irrationnelle.
Pensez à n’importe quel ‘choix’ qui tombe dans la catégorie (b). Un exemple classique est le choix d’acheter oui ou non des esclaves humains. L’esclavagisme existe toujours dans beaucoup de pays dans le monde. Il est surtout répandu dans certains pays du tiers-monde – et si on devait vivre dans un de ces endroits, on aurait certainement le choix d’acheter ou non une personne servant d’esclave contre son gré (si les finances le permettent). Comme j’espère que le montre cet exemple extrême, si nous avions le choix d’acheter un enfant noir devant obéir à nos désirs frivoles, nous choisirions de ne pas le faire sur base de la décence morale de base. (b) est un ‘choix’ dans le sens lâche.
En effet, il est impossible d’estimer que cette situation soit un exemple de préférence personnelle, aussi longtemps que nous jugeons n’importe quelle action comme moralement problématique (l’idée de l’esclavagisme est on ne peut plus basique comme principe moral). Donc le choix d’acheter d’autres personnes pour les utiliser comme esclaves détient l’obligation morale implicite que nous ne devrions pas le faire, *même si* le choix de le faire était aussi libre tant en juridiction légale qu’en acceptation sociale (comme ce l’était un peu partout sur la planète il y a plusieurs dizaines d’années de cela)
Suivre la raison
Considérant que le véganisme est un choix basé sur l’éthique, pour faire un jugement éclairé déterminant si c’est une décision de type (a) ou (b), nous devons premièrement oublier cette acceptation légale et sociale de l’utilisation animale. Après tout, nous avons déjà vu que des activités acceptables peuvent être considérées comme extrêmement immorales (comme l’esclavagisme). Le changement social et légal sont des choses qui devraient (et ont toujours) découler de la moralité, pas l’inverse. Mais une fois que nous retirons l’excuse sociale et légale, qu’est-ce qui reste qui pourrait faire du véganisme un choix (a) ?
Après tout, si un animal est sentient, il est un individu qui expérimente sa propre vie. La seule justification morale pour l’enlever à son environnement naturel (sans son consentement formel, ce qu’on ne peut pas obtenir des animaux nonhumains), ou pour le tuer, ou pour l’utiliser comme ressource pour notre plaisir, était s’il y avait une raison quelconque pour différencier les humains et les autres espèces à cet effet. Mais quelle justification pourrait-il y avoir ?
Un intérêt à continuer à vivre, à ne pas être torturé, à vivre sa propre vie. La caractéristique pertinente pour demander ces intérêts est la sentience : la capacité à expérimenter votre propre vie et de ressentir ce qui vous arrive. Rien de plus, rien de moins. Et les animaux ont cette caractéristique, que nous aimions cela ou pas. Donc, justifier un désir d’utiliser les animaux comme esclaves et comme ressources, et de les tuer à la fin de leur ‘utilisation’ ne peut pas être différencié du désir de faire la même chose à tout autre individu sentient (comme les humains) si nous réfléchissons rationnellement et sans préjugés. Vu que notre principe moral le plus basique dénonce l’esclavagisme de certains individus sentients (les humains), alors nous n’avons pas vraiment de ‘choix’ si ce n’est d’étendre ce principe à toutes les races ou espèces qui sont sentientes. C’est la chose rationnelle à faire. Et les excuses racistes ou spécistes (aussi différentes qu’elles soient) n’y changent rien.
Si nous écoutons les attitudes sociétales d’aujourd’hui, ainsi que la loi sociétale, elles nous diront que nous pensons actuellement que c’est ok de faire des différences basées sur des préjugés. Mais, il y a deux cent ans, elles nous disaient la même chose – seulement à l’époque le préjugé était entre des races différentes d’humains plutôt que des espèces différentes d’animaux sentients. Nous devons rejeter cette méthode  pour juger nos actions, car nous savons qu’elle est viciée. Se concentrer sur le raisonnement cohérent, rationnel est la voie à suivre.
La légalité ne dissout pas le raisonnement cohérent
Le véganisme n’est pas un choix (a). Ca ne l’est tout simplement pas. Ce n’est pas un cas de préférence personnelle, à moins que nous nous cachions lâchement derrière une acceptation sociale ou des règles juridiques – concepts qui n’ont jamais été faits pour guider le développement de la moralité. Est-ce que cela veut dire que je vais forcer les gens à devenir vegan ? Non. Cela tient à peu près autant que l’utilisation pragmatique de brûler des abattoirs – une méthode aussi irrationnelle que les groupes qui en sont responsables, vêtus de leurs cagoules, et un désir désespéré d’être des rebelles.
Je pense, (et l’histoire est de mon côté) que les gens finiront par faire ce qui est juste. Le spécisme connaîtra le même sort que le racisme, le sexisme, comme l’homophobie devrait le connaître d’un jour à l’autre. Le préjugé est irrationnel et les humains intelligents tendent vers le rationnel. Le reste suit. Mais ce mouvement commence avec vous – la loi et la société changeront lorsque des individus formeront la fondation pour ce changement, et cela (à un niveau très simple) demande à chacun de nous de ‘choisir’ de devenir vegan et à dire aux autres personnes pourquoi nous le faisons. Loin d’être une préférence personnelle ou une opinion, c’est une obligation morale. Ne nous soustrayons pas à cette obligation. Commençons 2012 comme nous entendons continuer pour le restant de notre vie.
Rob Johnson

mercredi 28 décembre 2011

[Traduction] La construction de notre identité de l'espèce.

(Traduction de l'article de Javier Moreno, "The construction of our species identity")


‘D’où viennent les saucisses ?’ m’a demandé mon fils de 5 ans, récemment.
‘Des cochons’, je répondis. ‘Oui’, dit-il, un petit peu impatiemment… ‘mais d’où est-ce que les cochons les ont ?’

Judy Rumbold, The Guardian, 28.2.2001.

« Une cage est une boite faite de barres en métal ou en bois.
Elle est utilisée pour enfermer des animaux. Le lion est enfermé dans une cage. »
Apprendre à accepter l’esclavagisme animal 

La façon dont nous construisons notre identité, consciemment et inconsciemment, détermine la manière dont nous voyons et interagissons avec les autres. La construction de l’identité sexuelle joue un rôle fondamental dans notre vie. Basé sur cette construction, certains rôles seront associés et influenceront, de façon presque toujours décisive, la forme dans laquelle nous nous voyons et voyons le reste. Cependant, dans ce cas-ci, je ne veux pas me concentrer sur la construction de notre identité sexuelle, mais sur notre identité ‘de l’espèce’ et comment elle détermine la manière dont nous nous voyons et les individus des autres espèces.

"La viande fait partie des animaux que l’on mange.
La viande de bœuf, d’agneau, de poulet et de lapin est vendue chez le boucher."
Apprendre à accepter notre vision d’eux en tant que nourriture. 

Depuis l’enfance, nous intériorisons l’identité de l’espèce via le processus d’apprentissage et de socialisation, nous différenciant du reste des animaux. Dans cette catégorisation, nous apprenons à faire la différence entre humain/animal ou personne/animal. Cette différenciation fictive, vu que les humains sont aussi des animaux, jouera un rôle essentiel dans la vision que nous avons des autres animaux en tant qu’êtres inférieurs qui sont à notre disposition. En refusant notre animalité, nous construisons une place privilégiée pour notre espèce, qui établit automatiquement une hiérarchie pyramidale dans laquelle les humains sont au sommet, et où tout le reste sera construit sur cette base. Par exemple, chaque animal se verra assigné une fonction pour notre bénéfice : certains seront notre nourriture, d’autres fourniront des vêtements et d’autres seront nos compagnons.

Les livres d’enfants sont de bons exemples pour prouver comment nous intériorisons la vision des animaux comme inférieurs ou comme ressources. Les exercices mettront l’accent sur la différenciation  humain/animal ou personne/animale, ou demanderont à l’enfant de relier la nourriture avec l’animal qui nous la fournit : vache-lait, saucisse-cochon, steak-vache, laine-mouton… Bien que cela puisse paraître « normal », ce processus d’apprentissage est presque déterminant car il fait que nous assumons et intériorisons une vision des animaux en tant que choses et non en tant que sujets. Je ne veux pas continuer à développer l’impact de ces exemples ; jetez juste un œil aux cahiers d’exercices des enfants ou aux exercices d’écriture.

On doit mentionner les visites organisées dans les soi-disant fermes scolaires. Des enfants innocents sont apparemment emmenés dans ces endroits pour y voir les fournisseurs de notre nourriture. Evidemment, on ne les emmène pas aux abattoirs dans lesquels tous les animaux des fermes scolaires finiront ; nous leur ferons voir que les animaux sont heureux de « nous donner » ces produits et qu’ils assument et acceptent ce rôle. 

"Que donnent les poules ?"
Chaque animal « nous donne » un produit.

 L’aspect surprenant de ces cases est l’empathie que beaucoup de filles et garçons montrent envers ces animaux, établissant une relation d’égal à égal et ignorant que le poulet avec lequel ils ont joué ou le veau envers lequel ils ont montré tant d’amour seront massacrés et réduis en pièce pour leur nourriture qui leur sera servie à la maison ou à la cantine. En fait, un enfant peut parfois faire ce lien, résultant habituellement en une sorte de réalisation traumatique. Soudainement, il associe la viande dans son assiette à l’ami avec qui il a joué, et ça devient terrifiant : il refuse de manger son ami. Bien que je connaisse des familles qui ont respecté la décision d’un garçon ou d’une fille dans ce sens, la situation habituelle est que quelques jours après le traumatisme, on l’aidera à comprendre que les animaux ne souffrent pas, mais que c’est nécessaire. En gros, ils sont là pour ça.

Comme le dit Joan Dunayer « nous nous mentons à nous-mêmes et à chacun d’entre nous, à propos de notre espèce et des autres. Un langage trompeur perpétue le spécisme. Comme le sexisme ou le racisme… le spécisme ne peut survivre sans mensonges ».

Et donc nous grandissons, arrivant à un point où nous ne questionnons pas qu’ils soient convertis en nourriture, qu’ils passent leurs vies enfermés dans des zoos ou des cirques pour nous amuser, qu’ils soient séparés de leur famille (oui, ils créent aussi des lien émotionnels, même si vous pouvez penser que c’est incroyable), qu’ils soient dépecés et convertis en vêtements, ou qu’ils soient soumis à toutes sortes de torture et tués derrière les murs de laboratoires pour une base indiscutable de notre avancement scientifique.

Le temps de brûler cet endroit fictif que nous avons construit est arrivé. Il est temps de faire un exercice humble et honnête avec nous-mêmes, et de descendre du sommet sur lequel nous pensons être, et cesser d'accepter, soutenir et financer le plus grand holocauste de tous les temps. Il est temps de nous reconnaître en tant qu’autre animal et reconnaître le reste des animaux comme des sujets qui méritent autant de respect que chacun de nous.

 Il est urgent d’apprendre à désapprendre, et de remettre en question toute cette structure de domination et de soumission que nous avons créé. Le temps compte, et les abattoirs, les fermes et autres centres d’exploitation ne se reposent pas. Les vies de milliards de victimes innocentes en dépendent.

Par Javier Moreno
Co-fondateur d’Animal Equality

Ce foie gras diabolique.

A l’approche des fêtes de fin d’année, le problème du foie gras refait surface car c’est bien évidemment la période propice pour l’achat de ce produit issu de l’esclavagisme animal.

J’ai pu lire de curieuses déclarations à propos du foie gras sur le web, ce produit étant catalogué comme « pire que tout », des gens souhaitant carrément la mort à ceux qui en mangent, ou d’autres refusant de participer au réveillon dans leur famille si du foie gras était présent sur la table.

Cela n’a pour moi aucun sens d’un point de vue des droits des animaux. Le foie gras n’est après tout qu’un produit de l’esclavagisme animal parmi tant d’autres. Bien sûr, ces images et vidéos d’oies gavées sont choquantes mais en quoi le foie gras est-il pire que la viande ou que le lait ou tout autre produit issu de l’exploitation animale ? J’estime qu’il n’y a aucune distinction morale entre ce produit et d’autres et j’ai du mal à comprendre que des militants pour les droits des animaux souhaitent carrément la mort ou une longue agonie à ceux qui en consomment.

Pourquoi ne pas alors souhaiter la même chose à toutes les personnes consommant des produits animaux 365 jours par an 3 fois par jour ? Les militants n’apparaissent-ils pas comme irrationnels et violents aux yeux du public ? Je pense qu’il est très difficile, voir impossible, de faire passer un message en faveur des animaux en recourant à la violence.

Refuser de participer au réveillon en famille parce que du foie gras sera présent sur la table revient à faire une distinction morale entre le foie gras et la viande ou le fromage, ou avec la laine et le cuir. Le foie gras est clairement un produit de souffrance pour l’animal mais tous les produits présents sur les tables lors du réveillon ne le sont-ils pas en général ? En isolant le foie gras des autres produits, celui-ci apparait soudainement comme pire que les autres aux yeux des non-vegan, et revient à minimiser indirectement la souffrance et l’exploitation issue de la viande, des produits laitiers, etc.. On fait vraiment une mini campagne ciblée.

"M'man, je ne viendrai pas si il y a du foie gras à table."
-Oh d'accord d'accord... Mais j'avais prévu de faire de la viande... la viande ça va tout de même.... ?
"Mmmoui ça ça va."

Ah bon ?

Je voyais la fourrure comme pire que tout auparavant, mais avec le recul, force est de reconnaître que la fourrure n’est pas différente de la consommation de viande ou de la laine. Cette haine arbitraire que j’avais en moi en croisant des gens portant des vêtements à base de fourrure a disparu et c’est un soulagement, car la haine et la violence n’aident jamais à faire passer un message positif en faveur des animaux.

Ce n'est pas que je suis insensible à la vision du foie gras sur la table, mais il provoque exactement la même réaction en moi que la vision d'un morceau de boeuf ou d'une tranche de fromage.

"M'man, j'ai décidé, je ne viendrai plus manger chez toi tant qu'il y a n'importe quel produit animal sur la table et que tu portes du cuir, de la laine, de la fourrure, de la soie."

En soi je comprendrai mieux cette déclaration que celle isolant le foie gras.

Si vous n’êtes pas vegan, envisagez de le devenir. C’est facile, ce sera bon pour votre santé, pour l’environnement et c’est moralement la chose juste à faire si vous êtes pour les droits des animaux.


mardi 27 décembre 2011

[Traduction] A propos des vidéos sur la cruauté.

(Traduction de l'essai de Dan Cudahy, avec son accord, "On Cruelty Videos")

 


Au moins quelque fois chaque année, une organisation de bien-être animal sponsorise un reportage d’infiltration et génère une « vidéo sur la cruauté » montrant la torture qu’endurent divers nonhumains innocents dans les abattoirs, les opérations de nourrissage, laboratoires, rodéos, zoos, cirques et divers autres endroit d’utilisation animale. J’ai discuté d’un cas classique de reportage d’infiltration et de vidéo en résultant dans un post intitulé PETA’sUndercover Investigations: Another Example of the Welfarist Business Cycle.

Comme je l’ai fait remarquer dans ce post sur l’investigation de PETA, les reportages d’infiltration (et les vidéos en rapport avec la cruauté) ne semblent pas problématiques d’un point de vue des droits des animaux. Après tout, des organisations des droits de l’homme enquêtent, rapportent et promeuvent régulièrement des vidéos dépeignant de graves souffrances humaines pour attirer l’attention du public sur un problème et recueillir l’appui politique pour mettre fin à ce genre d’abus. Cependant, lorsque des organisations des droits de l’homme dépeignent la cruauté envers les humains, elles envoient un message univoque que les violations des droits – esclavagisme, exploitation, et abattage – sont mauvaises et devraient cesser.

En contraste, les organisations de bien-être animal (PETA, HSUS, etc) contestent seulement sur la manière dont l’esclavagisme, l’exploitation et l’abattage sont réalisés. Elles ne s’opposent pas à l’esclavagisme, l’exploitation et l’abattage dispensable en soi. L’appel à l’action des organisations de bien-être animal est pour que le spectateur envoie un don à l’organisation et habituellement une lettre à un dirigeant de l’industrie ou au responsable gouvernemental soit pour faire respecter les règlements existant soit pour adopter de nouveaux règlements ou méthodes.

En contraste avec une organisation de bien-être animal (comme PETA, HSUS, Mercy for Animals, etc), une organisation des droits des animaux pourrait montrer la vidéo ; mais si elle le faisait, le message serait premièrement que toutes les institutions de l’utilisation des animaux sont dispensables et malfaisantes, et donc mauvaises et devraient cesser ; deuxièmement, que les spectateurs devraient donc devenir vegan comme norme minimale de décence ; troisièmement, comment devenir vegan en fournissant des informations sur des recettes véganes et sur la nutrition (peut-être sous forme de liens internet vers diverses sources d’information) ; et quatrièmement, de peut-être considérer un don pour aider notre travail d’éducation végane au public.

Les vidéos sur la cruauté sont considérées comme essentielles pour les partisans du bien-être animal parce que c’est contre le traitement, pas l’utilisation dispensable, que les organisations de bien-être s’opposent. Les vidéos de cruauté ne sont pas essentielles, et peut-être même préjudiciables, pour une organisation des droits des animaux parce que c’est contre l’utilisation dispensable en soi  qu’elle s’oppose. La raison pour laquelle les vidéos de cruauté peuvent être préjudiciables à la mission d’une organisation des droits des animaux est que ce genre de vidéos se concentrent intrinsèquement sur le traitement, pas l’utilisation, même si le traitement cruel est un symptôme inévitable de la maladie de l’utilisation. En se concentrant sur le traitement, ce genre de vidéos ne suggèrent pas que l’utilisation devrait être abolie, mais qu’elle devrait être réglementée.

Vu que les vidéos sur la cruauté se concentrent sur le traitement au lieu de l’utilisation, la question se pose de savoir si il est jamais approprié pour une organisation des droits des animaux ou pour ses partisans d’utiliser des vidéos sur la cruauté dans l’éducation végane. D’un côté, le professeur Gary L. Francione fournit de bonnes raisons de constamment éviter ces vidéos dans l’éducation végane. D’un autre côté, beaucoup de personnes sont devenues vegan suite à l’impact émotionnel que ce genre de vidéos peut fournir. Certains de ces vegans sont plus tard devenus des vegans abolitionnistes après avoir entendu ou lu les preuves solides et les arguments convaincants soutenant l’approche abolitionniste.

Est-ce que l’impact émotionnel des vidéos sur la cruauté est assez fort et efficace pour justifier d’être montrées ou partagées, malgré la confusion qui pourrait survenir suite au message de ces vidéos se concentrant sur le traitement plutôt que l’utilisation, et d’autres raisons pour les éviter, établies par le professeur Francione ? La meilleure réponse semble dépendre des circonstances.

Puisque les vidéos sur la cruauté sont essentielles aux organisations de bien-être animal et fournissent de grosses opportunités de dons, les organisations de bien-être animal continueront à générer ces vidéos et les grands récits qui accompagnent généralement la publication initiale des vidéos. Au moment où ces vidéos sont à la une, les partisans de l’abolition devraient au moins avoir une réponse à ces vidéos qui inclut, mais va plus loin que, la complainte légitime qu’elles se concentrent sur le traitement, pas sur l’utilisation. Une réponse plus efficace serait que toute utilisation commerciale est cruelle, et que quasiment toute la cruauté et l’utilisation, illégale et légale, est dispensable, et donc gratuite.

Il n’y aucune différence significative entre l’utilisation légale et la cruauté qui est requise pour traiter efficacement les unités de produits animaux par rapport à la soi-disant « cruauté gratuite » illégale qui n’est pas requise pour traiter efficacement les unités de produits animaux. Comme a correctement déclaré le professeur Francione, 99,999% de notre utilisation des nonhumains est pour notre plaisir, amusement ou pour notre confort. Aucune de ces utilisations n’est nécessaire si l’on s’en tient au sens cohérent du mot. De là, peu importe si le plaisir et/ou l’amusement est celui de la préférence du non-vegan pour les produits animaux ou la préférence de l’employé d’abattoir pour se divertir de l’ennui et de la frustration de traiter des matières premières sentientes,  tout cela est fait à titre gratuit, et la « cruauté légale » est souvent bien plus dure que la « cruauté illégale ». La différence entre le traitement légal et illégal est de savoir si oui ou non la cruauté entraine un traitement efficace. La sévérité de la cruauté est non-pertinente aux yeux de la loi, et le sera toujours aussi longtemps que les nonhumains seront des propriétés légales. [1] Et aussi longtemps que les gens ne seront pas vegan, les nonhumains seront toujours des propriétés légales.

A part répondre à ce genre de vidéos en expliquant que toute l’utilisation et la cruauté sont dispensables et devraient être abolies, pas régulées, les partisans vegan abolitionnistes devraient être prudents en partageant ou promouvoir ce genre de vidéos pendant qu’elles font la une. Si les vidéos sont exposées par les abolitionnistes alors qu’elles font la une, le message abolitionniste devrait être au premier plan et central : que l’utilisation doit être abolie, pas régulée ; que les gens doivent devenir vegan pour mettre fin à la torture et à l’utilisation injustifiée, pas choisir des produits animaux avec un vague label de bien-être. Ces vidéos attirent déjà beaucoup l’attention des spectateurs ; le problème est que le message associé est majoritairement pour l’application des lois, plus de réglementation ou plus de méthodes efficaces, pas un appel au véganisme et à l’abolition.

Pendant les périodes plus calmes où ce genre de vidéos ne sont pas dans les news, elles pourraient être efficaces pour l’impact émotionnel. Si la vidéo a un message welfariste explicite, ce genre de message pourrait annuler tout bénéfice dérivé de l’impact émotionnel, en dépit d’un défenseur fournissant un message abolitionniste contraire, et la vidéo devrait dès lors être évitée. Si la vidéo n’a pas de message welfariste explicite, et qu’un message abolitionniste fort est présenté avant et après la vidéo, l’accent de la vidéo sur le traitement pourrait être suffisamment annulé pour justifier l’option de sa présentation dans le but de l’impact émotionnel.

Finalement, les vidéos sur la cruauté sont toujours, dans le meilleur des cas, des outils optionnels pour les partisans vegan abolitionnistes pour générer un impact émotionnel. Le message abolitionniste ne dépend d’aucune façon de la manière dont les animaux sont traités ; seulement le fait qu’ils soient utilisés, et que toutes ces utilisations sont pour un plaisir, un amusement ou un divertissement dispensable. Dans le doute, il est mieux d’éviter ce genre de vidéos.
______________
 

Note:

[1] Le professeur Gary L. Francione fournit des preuves extrêmement solides dans la jurisprudence et la doctrine que les lois anti-cruauté sont basées uniquement sur l’optimisation de l’efficacité de l’exploitation animale et n’ont rien à voir, de n’importe quel sens pratique que ce soit, avec le type de sévérité de la cruauté ou aux mauvais traitements. De plus, puisque les humains ont des droits de propriété légaux dont l’objet de cette protection du droit est l’animal nonhumain (qui n’a aucun droit), les plus banals des intérêts humains surpasseront toujours les intérêts les plus cruciaux des animaux nonhumains. Notre système légal réchigne fortement à punir un minimum les titulaires de droit pour violation des intérêts même les plus cruciaux de leur propriété. Envisagez de lire 1) Animals, Property, and the Law; 2) Rain Without Thunder: The Ideology of the Animal Rights Movement; et 3) Introduction to Animal Rights: Your Child or the Dog, tous trois écrits par le professeur de droit éminent et philosophe Gary L. Francione pour des analyses détaillées et de nombreuses études sur la jurisprudence appuyant ces affirmations.


vendredi 23 décembre 2011

[Traduction] S'en mettre plein les poches avec les réformes de bien-être animal.

(Traduction de l'essai de Dan Cudahy et d'Angel Flinn, "Making a Killing with Animal Welfare Reform")

 

 « Lorsqu’il s’agit de politique et de processus de soin animal, comptez sur nous pour montrer la voie. En fait, nous sommes reconnus par les premiers experts mondiaux en matière de bien-être animal comme étant la norme pour l’industrie américaine du porc – et nous appliquons ces mêmes meilleurs pratiques à nos opérations mondiales. »


~ Smithfield Foods:  “Raising the Bar in Animal Care” (Smithfield Foods est le plus grand traitant et producteur de porc au monde, et tue presque 30 millions de cochons chaque année)


Durant les 200 dernières années, l’exploitation animale – depuis les éleveurs d’arrière-cour jusqu’aux « fermes industrielles » en passant par les cirques – a été imprégné dans le paradigme du bien-être animal. Il est très difficile, si pas impossible, de trouver une grande entreprise utilisant des animaux ou vendant des produits animaux qui ne se vante pas soit de son niveau élevé en matière de bien-être animal ou soit de ses grandes attentes par rapport à ses fournisseurs. En gros, l’industrie animale promeut en réalité le bien-être animal, et c’est en grande partie parce que le modèle de bien-être animal bénéficie énormément à l’industrie – non seulement en fournissant des directives qui aident les producteurs à adopter un modèle économique plus efficace, mais également en assurant les consommateurs qu’il est possible de mettre au monde, élever, exploiter, et massacrer des animaux de manière éthique.


Mais qu’est-ce qu’on considère comme « niveau élevé » en matière de bien-être animal ? Un niveau élevé permet généralement à n’importe quelle industrie bien implantée qui aide les producteurs, d’exploiter les animaux d’une manière économique optimale, peu importe le degré de cruauté, de nocivité ou de douleur. C'est-à-dire, toute cruauté qui promeut une utilisation économiquement efficace est acceptable (comme le marquage au fer, la castration, l’insémination forcée, l’écornage, le dégriffage, le débecquage, le mulesing, l’écourtage de queue, le rognage des dents, la mue forcée, etc..) ; mais la cruauté au-dessus ou en-dessous de cela qui promeut une exploitation économiquement efficace est considérée comme une violation des normes de bien-être « élevées » de l’industrie. En d’autres mots, donner des coups de pieds et frapper vos animaux parce que vous aimez ça n’est pas ok. Mais écorner et castrer vos animaux sans anesthésiant parce que ça les rend plus facilement gérables est ok. Cette définition de « niveau élevé » du bien-être animal explique pourquoi l’industrie peut légitiment formuler de telles allégations ridicules au visage d’une cruauté si dure que la plupart d’entre nous refuseraient de seulement la regarder.


Quand d’éminentes organisations de bien-être animal comme PETA et HSUS proposent des réformes de bien-être, comme une transition vers « l’abattage par atmosphère contrôlée » ou l’élimination des cages et des cageots de gestation, leurs campagnes impliquent de faire appel à l’industrie pour reconnaître les bénéfices économiques à long-terme de l’investissement du capital nécessaire pour faire ce genre de changements. Ce genre de bénéfices économiques inclut des animaux en meilleure santé qui sont moins stressés, moins de blessures chez les ouvriers, moins de dégâts dus aux carcasses, et une plus grande confiance du consommateur que les animaux sont traités « humainement ». Et bien entendu, de tels bénéfices économiques ont clairement du poids, comme nous pouvons le voir au fait que de grandes fermes industrielles comme celles possédées par Smithfield Foods « montrent la voie » dans l’élimination des cageots de gestation depuis plusieurs années dans toutes les « fermes » à truie de la compagnie. Vous pensez qu’ils font ça par souci pour les cochons ? Réfléchissez à nouveau.




“Smithfield fait ce changement parce que les consommateurs ‘nous ont fait savoir qu’ils pensent que le système de cages groupées est une forme plus respectueuse de ferme à truie,’ … Smithfield détermine encore le cout de la transition mais ne s’attend pas à ce que cela affecte considérablement les prix des produits de porc car le cout sera réparti sur 10 ans et sera compensé par les gains de productivité,’ a déclaré Dennis Treacy – vice-président des affaires environnementales et commerciales… Il a souligné que la décision de ce changement était basée sur ce qui est raisonnable pour l’entreprise. »


Cette affirmation confirme que l’élimination des cageots facilitera la tâche de Smithfield Foods pour mener ses opérations et les développer. Et quelles sont leurs opérations ? Confiner et massacrer des animaux – par millions. Pas une activité dans laquelle vous attendriez la collaboration d’activistes des animaux, pas vrai ? Et pourtant, plutôt que d’utiliser le même temps et les mêmes ressources pour promouvoir le véganisme, les organisations de plaidoyer animal utilisent plus d’1,6 millions de dollars et d’innombrables heures de volontariat sur la campagne pour convaincre Smithfield Foods d’adopter ce modèle économique plus efficace.


Et comme si ce n’était pas assez grave, les organisations de plaidoyer animal travaillent également côte à côte avec l’industrie animale dans le développement et la promotion de labels « humain » pour la nourriture animale. Non seulement cette espèce de conseil « de développement de nouveaux produits » fournit une aide précieuse en relation publique pour ces entreprises, mais il fournit également, de manière très efficace, le cachet d’approbation « des défenseurs des animaux » à ces produits lorsqu’ils atteignent le consommateur. Bien que ces programmes puissent à première vue sembler offrir une plus grande protection aux animaux, il est douloureusement évident qu’ils sont conçus comme campagne de relation publique (quoique très intelligente) pour augmenter les ventes, en rendant le consommateur plus à l’aise par rapport à son utilisation de produits animaux. Ces labels, qui comportent notamment le Certified Humane Raised & Handled, Humane Choice, Freedom Food et la norme Whole Foods 5-Step animal welfare rating, peuvent très raisonnablement être vus comme la trahison ultime du point de vue des victimes.


Le partenariat entre les groupes de bien-être animal et l’industrie pour promouvoir une exploitation animale économiquement efficace est considérée comme « win-win-win » non seulement pour les deux parties du partenariat, mais également pour le consommateur. Le consommateur est assuré de pouvoir être excusé pour son indulgence par rapport aux produits de misère animale, grâce à ces soi-disant « niveaux élevés » de bien-être, et les groupes de bien-être y gagnent en recevant des dizaines de millions de dollars en dons, annuellement, pour agir comme les « régulateurs » de l’industrie et développeurs de ces labels ridicules.

Mais les plus grands gagnants dans l’affaire, de loin, sont les exploitants d’animaux eux-mêmes, qui non seulement reçoivent des services de consultation d’ « experts en bien-être » et d’activistes éminents, mais reçoivent également des récompenses et une mention spéciale des groupes de protection. La récompense qu’ils reçoivent sous forme de confiance accrue du consommateur doit les faire rire tout le long du chemin menant à la banque. Pendant ce temps-là, les droits les plus fondamentaux d’un nombre grandissant d’animaux sont toujours vendus pour répondre aux désirs triviaux de ceux qui insistent à consommer et utiliser des produits provenant de leurs corps.


Presque tout le monde est d’accord sur le fait que les animaux ne devraient pas endurer plus de douleur que « nécessaire », et que personne ne devrait infliger de douleur dispensable ou de souffrance à un autre. Mais ce qui est considéré comme « nécessaire » a historiquement et légalement signifié tout ce qui est nécessaire pour optimiser l’efficacité économique de toute utilisation socialement approuvée des animaux. C’est toujours le cas – et ce le sera toujours tant que les animaux seront considérés comme des propriétés et des marchandises économiques – que les normes de bien-être animal permettent toute cruauté, peu importe le degré, du moment que ça se traduise en optimisation de l’efficacité économique.


Mais les temps et les circonstances sont occupés à changer, tout comme les attitudes envers la signification du mot « nécessaire ». Aujourd’hui, un nombre grandissant de personne devient conscient que presque toutes nos utilisations d’animaux ne servent à rien d’autre qu’à notre plaisir, notre amusement ou notre confort – la consommation habituelle de produits animaux ; la coutume de porter des vêtements à base d’animaux ; la tradition de regarder des animaux participer à des activités triviales (et très douloureuses) telles que la course ou les numéros de dressage. Aucune de ces utilisations ne peut être considérée comme nécessaire par rapport à toute définition cohérente du mot nécessaire.


Au fur et à mesure que les gens prennent conscience des aspects bénéfiques du régime alimentaire vegan pour notre santé et pour l’environnement, et reconnaissent qu’être vegan est simplement une question de justice fondamentale, le véganisme sera reconnu de plus en plus comme rien de moins qu’un impératif éthique et une base morale. Certainement, il y en aura toujours qui refuseront de reconnaître le fait que nos utilisations d’animaux requièrent une violation de leur droit le plus fondamental, peu importe le degré de ces pratiques. Mais l’abolition de l’esclavagisme animal n’est rien d’autre que la question de justice sociale la plus importante de notre temps. Lorsque ce fait sera largement reconnu… de quel côté serez-vous ? 


Angel Flinn.
Dan Cudahy.

Angel Flinn est directrice de Outreach for Gentle World — une communauté d’intention vegan et organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider à construire une société plus paisible, en éduquant le public par rapport aux raisons de devenir vegan, les bénéfices du véganisme, et comment faire la transition.


Dan Cudahy est l’auteur de Unpopular Vegan Essays: essais impopulaires concernant la violence populaire infligée aux innocents.

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Remarque: "Making a killing", dans le titre original, signifie littéralement "Faire une tuerie". Il y a un jeu de mot (faire une tuerie+s'en mettre plein les poches)

[Traduction] Vegan Outreach: le but ultime n'est pas le véganisme.

(Traduction de l'article de Corey Wrenn, avec son accord, "Why does PETA euthanize?") 


Dans leur newsletter du 17 décembre, intitulée “VO Feedback : se rappeler du but ultime », Vegan Outreach déclare explicitement que leur « but ultime », paradoxalement, n’est pas la promotion du véganisme. Ceci est clarifié dans une déclaration référencée par le co-fondateur et directeur exécutif, Matt Ball :

[ . . . ] "rappelez-vous tout le temps de votre but ultime. Pour ma part, c’est l’atténuation de la souffrance."

Selon la documentation de Vegan Outreach, « atténuation de la souffrance » peut vouloir dire n’importe quel comportement spéciste : réductionnisme, végétarisme, participation aux réformes de bien-être, etc. Ce « but ultime » est déconcertant, puisque juste dix jours auparavant, Vegan Outreach avait fait cette déclaration sur leur blog :

"Mais de plus en plus d’entre nous ne sont pas satisfaits avec un monde qui semble un peu moins mauvais. Nous voulons un monde qui soit fondamentalement différent, dans lequel les animaux ne sont pas vus comme de la nourriture."

Comment parviendront-ils à ce changement fondamental s’ils insistent à soutenir la consommation spéciste qui, au fait, continue à percevoir les animaux nonhumains comme de la nourriture ? Comment parviendront-ils à ce changement fondamental s’ils mentionnent le véganisme en tant qu’un moyen parmi d’autres options potentielles ? Qui plus est, Vegan Outreach dérape souvent en présentant le véganisme négativement. Par exemple, dans une présentation en 2009, que Vegan Outreach fait circuler ces derniers temps, le président et co-fondateur Jack Norris décrit le véganisme comme « coincé » et « difficile ». Par ailleurs, met-il en garde, se concentrer sur le véganisme porte atteinte aux dons. Comme nous le savons, les dons sont très importants pour des organisations comme Vegan Outreach. Sans dons, Vegan Outreach ne pourrait pas se permettre de continuer à imprimer de la documentation anti-vegan, et ne pourrait pas se permettre de recruter des utilitaristes « vegans » pour distribuer cette documentation afin d’impressionner les jeunes sur les campus. C’est un système très confus et autonome.

Le véganisme, critique Norris, est une approche « tout-ou-rien ». C’est un triste état de choses quand une organisation qui se nomme Vegan Outreach nous dit que la nonviolence n’est pas du tout-ou-rien. Au contraire, je soutiens que personne ne devrait jamais soutenir le viol, le meurtre, la pédophilie, l’exploitation d’animaux nonhumains, ou toute autre forme de violence : sous aucune circonstance ou à n’importe quel degré. Dénoncer la violence est du tout-ou-rien. Nous n’avons rien à tirer en tolérant n’importe quelle contre les humains et, de même, contre les nonhumains. Mais encore une fois, on devait s’y attendre venant d’un groupe dont le but ultime est la réduction de la souffrance, pas l’élimination de la souffrance.

A la fin de sa présentation, Norris déclare :

"Si vous êtes veg* pour éviter la souffrance animale, dites-le. Au plus les gens entendront cela, au plus tôt ils considéreront cela comme légitime."
Si seulement il pouvait tenir compte de ses propres paroles et adopter le véganisme. Nous ne pourrons jamais nous attendre à voir apparaître le véganisme comme moins optionnel ou moins « difficile » aussi longtemps que le visage organisationnel du véganisme le présente comme tel. Nous le devons aux animaux nonhumains, de promouvoir sans équivoque le véganisme comme le minimum que nous puissions faire dans notre combat pour mettre fin à la violence et à l’inégalité. Et, comme le dit Norris, au plus les gens l’entendront, au plus tôt ils considéreront cela comme légitime.

[Traduction] Pourquoi est-ce que PETA euthanasie ?

(Traduction de l'article de Corey Wrenn, avec son accord, "Why does PETA euthanize?")

 

La politique d’euthanasie* de PETA n’est un secret pour personne. Alors que l’organisation fait massivement campagne pour réduire la surpopulation, PETA n’hésite pas à tuer des nonhumains qui ont vraisemblablement un intérêt à continuer à vivre. PETA préfère montrer des images de nonhumains sévèrement malades comme exemple pour expliquer pourquoi ils euthanasient, mais ceux-ci ne sont pas nécessairement les candidats typiques de la liste d’abattage de PETA. PETA euthanasiera des nonhumains « de toute évidence souffrants et misérables », mais ils euthanasieront également des nonhumains qui ont besoin « de bons soins vétérinaires et de resocialisation » ainsi que des nonhumains sauvages. C’est une question de ressources disponibles. Tout à coup, PETA apparait moins comme un ange de la miséricorde mais plutôt comme une entreprise commerciale calculatrice et axée sur l’efficacité. Pourquoi est-ce qu’une organisation des droits des animaux nonhumains s’engagerait dans ce massacre ? Est-ce que ce serait éthique de régler le problème de surpopulation humaine grâce à l’euthanasie ? Certainement pas. Alors pourquoi est-il acceptable d’imposer la mort à des individus nonhumains sentients ?

Nathan Winograd a longtemps critiqué les organisations de sauvetage des nonhumains pour leur recours systématique à l’euthanasie. Winograd affirme que l’abattage d’animaux de compagnie nonhumains n’est pas nécessaire et exhorte les collectivités à adopter des programmes sans euthanasie. Les collectivités sans euthanasie peuvent répondre aux intérêts des nonhumains sans abri et peuvent également créer un changement de paradigme indispensable qui respecte les intérêts des animaux nonhumains, s’occupe de la surpopulation, et remette en cause l’institution problématique de la domestication.


On pourrait assumer que PETA soutienne les initiatives des refuges sans euthanasie. Ce n’est pas le cas. Dans sa mise à jour de leur blog le 14 novembre 2011, PETA critique ce qu’ils appellent « la propagande « sans euthanasie » :

 "si vous pensez que chaque animal – ou même un sur vingt – puisse être placé, alors vous rêvez éveillé" […]


Malheureusement, nous vivons dans un rêve – un cauchemar en réalité – dans lequel des organisations qui prétendent se battre pour les « droits » des animaux nonhumains tuent également des animaux nonhumains.


"Certains sont trop brisés, trop vieux, ou tout simplement indésirables et ne seront pas adoptés. L’euthanasie fut et reste une délivrance pour beaucoup d’animaux, bien que cela brise le cœur à ceux qui choisissent de faire ce geste de bonté".


Ce genre de remarque illustre un manque regrettable d’ambition. Il n’y a aucune raison de présumer que ces nonhumains resteront à jamais indésirables. Petev, mon vieux Chihuahua, par exemple, a attendu 3 ans dans un refuge sans euthanasie à cause de son mauvais tempérament et de son âge. Il est une joie dans ma vie et je suis tellement reconnaissante vis-à-vis de mon refuge local de l’avoir sauvé. Il n’y a également aucune raison de présumer que nous ne pouvons pas remettre en cause les conditions structurelles qui créent les problèmes auxquels sont confrontés les refuges. Les collectivités sans euthanasie sont l’avant-poste de ce changement.


Derrière l’hypocrisie flagrante d’une organisation des droits se lançant dans le massacre, la politique d’euthanasie de PETA est problématique pour trois raisons supplémentaires. 

Premièrement, PETA est une organisation multi-millionaire. Peut-être que PETA pourrait détourner certaines des ressources perdues en réformes de bien-être contreproductives, en campagnes ciblées, et publicités sexistes, vers les besoins des nonhumains qu’ils prétendent protéger. Tuer des animaux nonhumains alors qu’ils déversent des millions de dollars dans des campagnes inutiles et souvent idiotes ou offensives est une mascarade.


Deuxièmement, PETA perpétue activement la nécessité de l’euthanasie. Il est réellement déchirant que le visage des « droits » des animaux nonhumains dénonce les efforts des refuges sans euthanasie qui travaillent pour sauver des vies et remettent en cause l’idéologie spéciste. Si seulement PETA le voulait, ils pourraient rediriger des ressources vers des solutions nonviolentes et devenir un allié puissant du mouvement sans euthanasie. Mais, lorsque le visage des droits des animaux nonhumains dénonce systématiquement l’option sans euthanasie, il agit à la place comme barrière puissante pour le mouvement sans euthanasie.
Troisièmement, l’hypocrisie de la politique d’euthanasie de PETA ne passe pas inaperçue aux yeux du public. Cela lui donne une raison supplémentaire de discréditer le mouvement des droits des animaux nonhumains comme inconsistant, vicié et carrément fou.

PETA a abandonné le combat, mais il y a encore beaucoup de choses que nous pouvons faire en tant qu’individus pour aider les nonhumains maintenant. Si vous avez les ressources, s’il-vous-plaît adoptez. Si vous ne pouvez pas donner un toit à un chat ou à un chien, soyez s’il-vous-plaît conscient que des lapins, des gerbilles, des hamsters, des poissons, etc sont également dans le besoin. Si vous avez un espace limité, ou peu de temps ou de ressources, appelez votre refuge et demandez s’il y a un nonhumain là-bas qui réponde à vos conditions. ** Si vous le pouvez, adoptez s’il-vous-plaît des individus ayant des besoins particuliers. Si vous ne pouvez pas vous engager à long terme, considérez la famille d’accueil. Plus important, que vous puissiez adopter ou non, vous pouvez aider les animaux nonhumains aujourd’hui en devenant vegan. Devenir vegan signifie réduire la demande pour les produits tirés de l’exploitation des animaux nonhumains et représente également une position politique importante envers l’exploitation de tous les nonhumains.


* Je reconnais que le terme “euthanasie” est problématique. Beaucoup des nonhumains que PETA « euthanasie » ont très vraisemblablement un intérêt à continuer à vivre. PETA pense qu’ils s’engagent dans l’abattage compassionnel, ce qui expliquerait l’utilisation du terme « euthanasie », mais le mot utilisé de cette façon est on ne peut plus euphémique.


** Ce fut certainement le cas pour moi, je vivais dans un studio et je n’étais pas souvent chez moi. Ca s’est avéré être un vrai cadeau pour Petey, qui est vieux, a horreur des promenades et aime dormir toute la journée.


MISE A JOUR


Moins de 24 heures après la publication de cet article, Chris Holbein, directeur adjoint des projets spécifiques a mis à jour le blog de PETA avec un commentaire intitulé : « Pourquoi je ne travaillerai pas dans un refuge ‘sans euthanasie’ »


Holbein fustige les refuges sans euthanasie par rapport à leurs ressources limitées. C’est intéressant puisque PETA n’est certainement pas limité par les ressources, et, comme visage des droits des animaux nonhumains, a le pouvoir de remettre en question l’idéologie pro-euthanasie. PETA  se repose sur des millions de dollars et des milliers de volontaires. Refuser de soutenir les associations sans euthanasie de même qu’un rejet catégorique de ces associations ne peut que signifier plus de morts.

La présomption utilitariste de PETA que les animaux nonhumains n’ont pas un intérêt à continuer à vivre est choquante. Nous ne tuons pas des enfants humains sans abri, malgré le manque d’habitations et le « manque de ressources », alors pourquoi tuons nous des nonhumains ? Pourquoi ne pouvons pas travailler à changer l’idéologie pro-euthanasie et trouver des solutions vivifiantes ? PETA assassine des nonhumains et dégrade ceux qui sauvent des vies : quel mouvement tordu nous avons là. Si PETA ne souhaite pas nous aider dans notre combat pour les droits des animaux nonhumains, ils seraient plus utiles si ils restaient en dehors de ça.

Corey Wrenn.